Salesforce mise gros sur l’IA : licenciements, économies et stratégie

Recrutement
Salesforce
Céline Bonnet
Consultante en recrutement
3
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À l’heure où l’intelligence artificielle s’impose comme un levier stratégique dans les grandes entreprises, Salesforce joue un jeu audacieux. Salesforce licencie massivement des postes, mais justifie ces coupes par une montée en puissance de l’IA, qu’il promet plus efficace, moins coûteuse et hautement scalable. 

Derrière cette rationalisation se dessine une vision : transformer son modèle opérationnel en construisant une entreprise « agentique », où les agents IA complètent ou remplacent une partie du travail humain. Le pari est risqué mais pour Salesforce, il pourrait bien payer sur le long terme.

Des suppressions d’emplois massives justifiées par l’automatisation

Salesforce ne se contente pas d’investir dans l’IA : il redéfinit sa structure salariale. Plusieurs sources rapportent des suppressions de postes significatives dans le service client, particulièrement dans des équipes de support. 

  • Selon certaines annonces, 4 000 emplois de support client auraient été supprimés, réduisant l’effectif de ce département de 9 000 à 5 000.

  • Marc Benioff, le PDG, a justifié ces licenciements par une efficience accrue : grâce à des agents IA (via Agentforce), Salesforce estime pouvoir traiter une part importante des interactions clients sans recourir à autant d’agents humains.

  • Cette stratégie s’inscrit dans un plan plus vaste : allouer davantage de ressources vers les initiatives d’IA, tout en réduisant les coûts opérationnels. Certains analystes y voient une “révolution du travail numérique” chez Salesforce.

Ces choix ne sont pas uniquement techniques, mais profondément économiques : en remplaçant des tâches de support standardisées par une automatisation intelligente, Salesforce libère des marges, tout en réorientant son capital humain vers des activités à plus forte valeur.

Opportunité et risques d’une stratégie agentique

Cette transition vers l’IA généralisée représente une opportunité majeure pour Salesforce mais elle s’accompagne de risques notables.

Les opportunités :

  • Efficacité et productivité : les agents IA peuvent gérer un volume élevé de demandes récurrentes sans fatigue, ce qui permet de redéployer les collaborateurs humains vers des missions plus stratégiques.

  • Scalabilité : contrairement à des équipes humaines, l’IA peut monter en charge sans doubler les coûts de personnel.

  • Avantage concurrentiel : en misant rapidement sur l’automatisation, Salesforce se positionne comme un précurseur dans le “digital labor” et peut mieux rivaliser face aux nouveaux entrants IA natifs.

Les risques :

  • Impact social : la suppression massive d’emplois pose des questions éthiques et sociales, notamment sur la responsabilité des dirigeants face aux collaborateurs licenciés.

  • Gouvernance de l’IA : plus l’IA prend de place, plus il est vital de la réguler, d’auditer ses décisions et de s’assurer qu’elle respecte les objectifs métier et la conformité.

  • Perte d’expertise humaine : en réduisant les équipes d’expérience client, Salesforce pourrait perdre des compétences essentielles à long terme : empathie, jugement, résolution de problèmes complexes.

  • Dépendance à la technologie : si l’IA rencontre des failles, des bugs ou des erreurs de traitement, les conséquences sur l’image, la satisfaction client et les coûts peuvent être lourdes.

Un pari stratégique aux multiples enjeux

L’offensive IA de Salesforce est plus qu’un repositionnement technologique : c’est un pari stratégique. En supprimant des milliers d’emplois pour “faire de la place” à ses agents intelligents, l’entreprise teste un modèle économique audacieux, où l’automatisation sert non seulement l’efficacité, mais aussi la croissance future.

Pour réussir ce pari, Salesforce devra conjuguer trois éléments :

  1. Une IA fiable et bien gouvernée, pour éviter les erreurs et les dérives.

  2. Un accompagnement humain, pour requalifier les collaborateurs et tirer partie de leur expertise.

  3. Une vision à long terme, intégrée à sa stratégie produit et à son discours auprès des investisseurs.

Si ce modèle fonctionne, il pourrait servir d’exemple à d’autres organisations. Si ce n’est pas le cas, il restera un avertissement : dans la course à l’IA, le remplacement des compétences humaines sans réflexion stratégique peut coûter bien plus que des économies.

Source : Challenges